Lapidés et/ou égorgés ?

MERCREDI 24 juin, 10ème jour de trek :

5h30 : Nous nous réveillons aux mêmes sons vocaux à l’aurore. Petit-déjeuner en tête-à-tête, thé, pain, deux grands bols de mâst. Les femmes balancent deux par deux l’outre en peau où fermente le lait. Nous partons sans revoir Sâdjâd. Toutes les tentes croisées abritent la balançoire à dough et mâst en action.



Nous rejoignons une piste et réalisons que nous ne sommes pas dans la bonne vallée : elle est trop large et trop peu encaissée au nord-est, nous avons bifurqué trop tôt après le pont d’Owregoun.
Vous voyez à droite un homme en tenue bakhtiarie ; Eh bien, il a fallu absolument que je l'essaye. Heureusement, c'est taille unique. Yvon a pris la photo : vous lui demanderez de faire un blog.



Un villageois de Taleghi nous précise le nom de tous les villages à venir, et leurs distances respectives, avec une précision inhabituelle qui nous en bouche un coin. Il nous rattrape avec sa moto pour ajouter un village !
La photo, ce n'est pas pour vous montrer combien il est attentif, c'est pour prouver à mes professeurs de l'Inalco que je m'exprime ! Et j'ai bien retenu que les mains, c'est important, ça se voit.  J'espère qu'ils sont contents...
En vue de Qalâsorkh, nous obliquons vers l’ouest pour prendre un raccourci, et déjeunons sous des peupliers en bord de ruisseau.



Nous repartons avec les conseils du cultivateur présent en suivant un canal d’irrigation cimenté.



En contrebas, les paysans font des bottes de fourrage colorées. Nous sommes invités à un thé par six bergers, qui nous déconseillent fermement de continuer par l’étroit défilé qui suit : ce serait un coupe-gorge, et ils se la tranchent du geste. L’ennui vient de ce que l’intervention est précédée d’un bris du crâne à coups de pierre. Donc, moins de chances d’en sortir vivant. Ils nous invectivent tous ensemble, avec un peu d’agressivité, sans répondre à mes questions : où ? quand ? (mais pas « comment ? » : je sais déjà). Enervé, je dis « Inch’Allah ». Ils sont trop dégoûtés, et nous abandonnent. Mais, à contrecœur nous obtempérons et faisons demi-tour sous une averse qui mouille. Nous rejoignons la route en grommelant : nous rejoignons et je grommelle ! C’est vrai, quoi ? Un tel cinéma, c’est plutôt suspect. Nous aurions dû tenter le sort. Nous allons faire un détour monstrueux. Le chauffeur géorgien rencontré ce matin sur la piste que nous rejoignons alors, nous prend à bord de son gros camion-benne orange, pour trois kms. Nous allons ainsi livrer de la terre, et être invités au thé. Ensuite, nous quittons notre géorgien, et prenons la piste de Gowkân, qu’il nous assure tranquille : s’il y a des voleurs, ils ne sont pas brutaux. Non, il n’y en a pas.
Un doute subsiste.
C’est un peu surréaliste de traduire pour Yvon qu’il n’y a pas de voleurs, mais qu'ils sont très délicats. Il va se poser des questions sur ma compréhension. Nous élaborons alors une stratégie de repli pour la nuit, après avoir croisé deux troupeaux avec chiens agressifs et bergers nonchalants : nous nous engageons furtivement dans une petite vallée en surplomb pour monter notre tente en cachette derrière un bosquet enclos de murets.



Ainsi nous dominerons l’assaillant, à 2520 m d’altitude. Le temps est calme, mais le ciel est toujours gris au nord, et les polaires sont les  bienvenues. « Il pleut tous les après-midi, Dieu est fou » : il semble que le temps soit déréglé, mais du coup les températures sont clémentes pour marcher. C'est notre plus longue étape : 36 km, dont 3 en camion. Il n'y avait pas d'obstacles, seulement des... menaces.

2 commentaires:

  1. Raconté comme cela, ça ne semble pas très rassurant quand même :-)
    Mais bon, on imagine qu'à la longue, vous preniez ces conseils sans trop y croire non plus.

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  2. Cette fois-là, nous n'étions pas trop tranquilles. Pour une raison ou pour une autre, les bergers ne voulaient pas que nous passions par ce défilé. Dans l'incertitude de leurs intentions, et devant leur énervement, il valait mieux faire profil bas. Mais c'est la seule fois où nous nous sommes déviés.

    Merci pour tes commentaires. J'espère que tu vas faire des émules !

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