5ème JOUR DE TREK - 14ème jour en IRAN
Orage cette nuit, avec rafales brusques et averses. La tente résiste. Au matin, nous sommes indemnes, ni noyés, ni repérés par les voitures qui passent et repassent sur l’autre rive pour accéder au barrage. Ce barrage est entouré de barbelés et inaccessible. Nous entamons, le long des barbelés, l’escalade du piton aride qui nous surplombe : 200 mètres de dénivelé, pas du tout discrets. Par chance, vus du barrage nous sommes dans le soleil, et assez loin de Sad en contrebas. Cette fois, c’est Yvon qui assume le choix du trajet : je gamberge, sûr qu’en cet endroit, à reluquer le barrage, derrière les barbelés, nous sommes louches. Ces barbelés donnent bien l’impression que les iraniens craignent des attentats. Pourtant, descendus du piton, de l’autre côté, nous passons un barrage routier où personne ne demande nos passeports…
Après quelques kms sur cette route, une piste nous mène au bord du lac de Châdegân, près de quatre jeunes gens qui nous ravitaillent en eau, et dont l’un se prépare à fumer sa « cocaïne », qui est plutôt un extrait de pavot afghan. Donc, pas de photo du visage. Un réchaud sert à la combustion, et une paille sert de pipe.
Le paysage a changé du tout au tout, minéral et infini. Le lac est immobile, inerte, bleu-vert et opaque à nos pieds, moiré d’argent au loin sous le soleil. Le relief de hautes crêtes est un pierrier gris et ocre, presque aride où la frêle végétation qui s’épanouit en bleu, violet, indigo, passe inaperçue.
Nous allons à la rencontre d’un pêcheur qui nous offre une bonne part de pastèque, et parle très distinctement en bon esfahâni. Yvon comprend tout, aussi bien que moi. Le pêcheur nous fait remarquer le niveau sur les berges, à 30 mètres au dessus des eaux, atteint il y a quatre ans : le déficit est impressionnant. Mais cette année le lac a regagné 3 ou 4 mètres.
Nous croisons un jardinier qui nous prépare le thé sur un feu de broussailles, et nous nous abritons du soleil sous son tracteur.
Nous croyons arriver à Châdegân après une dernière escalade dans la chaleur, mais c’est Dehkadeh, banlieue chic, mieux fleurie que Chiraz, où seuls les jardiniers sont aimables. Sur les rives du lac, des villas et des quartiers somptueux trahissent en effet les privilégiés de la République Islamique. Nous sommes très dépités d’être enfin snobés : pas un regard.
Encore une bonne heure et demie avant d’atteindre Châdegân, épuisés.
Pas d’hôtels ! Pas de mossâferkhâné ! Plus une seule « villa » libre pour citadins en week-end ! Après des allées et venues vaines et décourageantes, nous allons être hébergés chez l’habitant. Ça nous plait bien, et nous acceptons une « location » pour deux nuits, malgré son prix, 1million de rials. Evidemment, nous n’avions pas réalisé le montant exact avant de sortir les billets, et, de plus, nous n’avions plus la force de discuter. La maison est avenante, avec une grande pièce couverte de tapis, une chambre, une cuisine à l’américaine, et un « hamâm » qui serait parfait si les murs avaient été carrelés, car ils sont noirs de moisissures ou de quoi ? Le propriétaire est un coiffeur dont le salon sur terre battue occupe la pièce voisine, et aère notre hamâm. Il a 30 ans. Sa seule fille est absente. Où est sa femme ? Il n’y a pas de clef pour la porte de la maison… et une unique clef pour celle du jardin clos de hauts murs : une seule vraiment ? A nous partager selon des modalités mal définies, ou mal comprises. Nous dînons en ville : kâbâb, dough, bière au citron pour Yvon, jus de fruit pour moi. Nous dormons écrasés de sommeil jusqu’à 6h30.
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