Les nouvelles par mail sont mauvaises, alors que nos sources confrontées (sic), mais locales, annoncent un retour au calme progressif dans les trois villes concernées, Téhéran, Chiraz, Esfahân. « Restez à la campagne ! » Nous y sommes, et même de plus en plus, empruntant de rares tronçons routiers, obligatoires géographiquement ou légalement. Aucune tension apparente dans la population qui continue à afficher son choix électoral, ni chez les forces de l’ordre qui nous indiquent les chemins. Nous restons donc « à la campagne », et nous nous en portons bien, accueillis, désaltérés et nourris.
Ce matin, il a fallu reconstituer notre stock de rials dont les millions fondent à vue d’œil. Les banques de Châdegân ne font pas de change !
A la porte un quidam nous propose ses services d’une voix tonitruante. Le taux actuel sera connu dans une heure, et nous acceptons celui d’hier.
Pour nous rassurer sans doute, la transaction se fait quand même sur le comptoir de la banque, sous le nez de l’employé, et dans une cohue qui vaut celle de la ligne 13 pour Clichy. Cerné et comprimé entre cinq clients curieux, je suis censé compter 500 billets de 20.000 rials, qui les intéressent fort, au point qu’il leur faut les palper ! J’y renonce. Basta !
Ça va ! J’empoche.
A la sortie de Châdegân, une voiture de police nous croise, hésite, fait demi-tour, et c’est notre troisième contrôle, très bon enfant sous l’égide de Victor Hugo ! Les policiers ont des Lettres, nos Lettres, et un grand sourire. Yvon est malade, et dit que ce sont les émotions dues aux mails alarmants…
Les contours du lac vert-canard sont maintenant très découpés et accidentés, les panoramas sont immenses et les couleurs de la terre sobres.
Nous crapahutons au petit bonheur, à travers des champs plus ou moins labourés, puis tombons sur une piste qui s’éloigne du lac. Elle croise une route qui y retourne, et là, encore une voiture s’arrête et nous interpelle. C’est notre 4ème contrôle, mais sans uniforme et en véhicule banalisé.
Je suis réticent pour donner mon passeport, mais je comprends vite que je n’ai pas le choix. Il y a des intuitions comme celle-là… On nous dira plus tard qu’il s’agit de la Police Secrète. Allez savoir.
Avant Machad Eqahvé, nous faisons une pause agrémentée d'un thé sur feu de bois.
Arrivée à Machad Eqahvé : boissons fraîches et bastani reconstituantes (glaces). Rencontre du "professeur d’anglais" croisé à la banque ce matin, qui tient absolument à nous accompagner, et Yvon ne peut plus s’en décoller. Ses commentaires sont intéressants (une de nos « sources ») et il connaît la région, mais je fonce devant : aucun iranien n'aime suivre notre rythme à pied. Bien que je sois officiellement épuisé par mes efforts de conversation en persan, et ainsi absout pour mes humeurs, Yvon considère que je manque de patience dès que le soleil baisse. Je sais qu’il a raison.
Nous plantons enfin la tente au bord de la rivière retrouvée, qui est maintenant plus calme et moins profonde, mais encore large. Un pêcheur descend le cours, et lance son filet devant nous quand le ciel se couvre.
Sous un orage impressionnant avec bourrasques, tonnerre, éclairs et trombes d’eau, nous dînons recroquevillés. Nous nous mettons au lit comme les poules, pour dormir dans la tourmente, presque au sec.
Que du bonheur pour nous lecteurs,un vrai écrivain ce Pierre ....
RépondreSupprimerSteff et Tatoize