La plaine est vide

JEUDI 11 JUIN, CARNET de ROUTE
Kermân, 7ème jour en Iran



Nous n’entendons pas le réveil à 6h30, et partons à 8h pour les "kalouts" de Shahdâd, avec Mesdjid : 130 km par la route, à l'est de Kermân. Le terme de "kalout" désignerait le sommet des reliefs éoliens des yardangs. Pour les géologues, un yardang est une crête étirée en longueur dans un désert.
Le dacht-é lout, "plaine vide", (دشت لوت) est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Marche de deux heures, seuls dans les dunes, sans boussole. Le sable est compact et on n’enfonce pas. Pas un chat, ni un brin d’herbe. Le soleil cogne. Nous nous remémorons le sud algérien. 







Retour par le caravansérail de Chefi’âbâd (شفیع آباد), enceinte avec tourelles et rigole (pour laver les pieds d’Yvon), puis par le mausolée de Chahdâd (شهداد) où Mesdjid nous offre une boisson.  Pour clore en beauté notre escapade, nous descendons dans l’immense glacière Âb-abâd, coupole de briques, aux deux tiers enfouie sous la terre, impressionnante par ses dimensions, sa fraîcheur, son écho.


Du fond de la glacière, vers le ciel





Dîner à l’hôtel. Déception : pas de veillée électorale.
Le soir, j’entame un marchandage acharné pour le prix de la chambre : je gagne 6 euros en farfouillant dans leur sébile, et quelques « pièces de collection » + deux dixièmes de khomeiny. Bon, je suis content, j’en sors avec les honneurs.
Pour régler nos achats, Yvon commence à jongler aisément avec rials, tomans, khomeinys et euros. Le rial, monnaie officielle n’a pas cours dans la rue où l’on utilise le toman qui lui est dix fois supérieur, mais qui perd ses zéros pour s’appeler khomeiny. 1 khomeiny vaut 10.000 rials et 1000 tomans, mais parfois le contexte permet d’éluder les zéros, et alors 3000 tomans se disent 3, comme 40.000 rials se disent 4, sans préciser qu’il s’agit de khomeinys. La notion de contexte n’est pas vraiment compréhensible pour nous, mais Yvon s’obstine à faire des transactions. Le pire pour lui, c’est s’il faut que je traduise la somme, car je supprime de mon propre chef un zéro quand le prix me paraît excessif. Je vais appeler ça des pirooz. Un pirooz vaut sensiblement 10 khomeinys. Bon… Est-ce flatteur pour moi ?

VENDREDI 12 JUIN, CARNET de ROUTE,
de Kermân à Chirâz, 8ème jour :



Nous avons nos billets de car pour Chiraz. L’hôtel a appelé un taxi. C’est jour d’élection et c’est djom’é, vendredi jour de prière. Le taxi n’arrive pas. Nous hélons une voiture dans la rue. C’est une épave. Je photographie le chauffeur, et lui dis : « sâ’at-e otoubous hacht o nim-ast ! » (le car est à 8h30 !). Nous arrivons à l’heure. Il accepte un khomeiny et nous en rend un demi que nous avions préparé en surplus.
Dans le car, l’équipage est aux petits soins : thé et échange de cartes d’identité (provisoire !). Je m’installe au fond pour un premier croquis, aux doigts, aquarelle et gouache. J’ai le robinet d’eau potable à côté pour diluer et me laver les mains. Pas une tache sur les fauteuils ! L’équipage est très perplexe devant l’œuvre. J’avais dit que c’était mon job, et ils ont des mines un peu apitoyées : in tchi-é ? (c’est quoi ?) Pourtant, moi, je crois qu’on voit bien un paysage qui passe. Tant pis, je n’ai pas trop d’avenir en Iran.
En ce moment, nous doublons un camion dans un virage de montagne, en descente vers le lac salé qui miroite. Sont-ce mes derniers mots ? Non ! Nous mangeons le raisin acheté hier : les grains sont si petits et serrés qu’ils ressemblent aux grains de grenade, mais bien sucrés quand ils sont mûrs. Arrêt dans un boui-boui pour un kabâb.
Hôtel Anvari à Chirâz : la réceptionniste a le sourire charmant, mais ne nous fait pas cadeau d’un kopeck… euh… d’un khomeiny.



Dîner dans un kabâbi avec une nostalgique des Pahlavi qui pleure son Iran perdu. Séance internet.

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