Détendre l'atmosphère

"Oui, je sens bien"...
qu'il faut vous remonter le moral !
Pour cela, je reviens un peu en arrière avec le mail n°18 auquel vous n'aviez pas eu droit. Il faisait et il fait toujours double emploi, si vous avez bonne mémoire. Mais il a maintenant cet avantage : il prouve bien que les militaires ne sont pas hostiles a priori. Et moi non plus, je ne suis pas hostile a priori. On peut même en déduire qu'eux et moi sommes bienveillants a priori.
C'est encourageant, non ?  Je vois ça comme ça.

Mail n°18 : AU CŒUR DU SUJET

Oui, je sens bien dans vos messages, aux uns et aux autres, que vous m’imaginez simplet du village avec mon vocabulaire bien pragmatique, innocent devant la dure réalité, et béat, béat, béat.
Mais vous avez aussi compris que je me bats pour limiter ma subjectivité.....
Je peux dire, cependant, et en laissant des blancs, nos impressions chaleureuses, et c’est une réalité, au cours des contrôles d’identité que nous vivons. Parlons de l’un d’entre eux, vécu au milieu de notre escapade.
Car c’est vrai, en ces moments, on a toujours l’impression d’être en escapade. Et cela a un petit côté fautif, absolument injustifié, mais irrépressible. Quand je suis mentalement en escapade, c’est comme pour les translocations reptatives ou non, personne ne doit pouvoir me rattraper. Et là, si !  "On" me rattrape, et de façon tout à fait imprévisible. Bon, j’aime pas trop, c’est dit. On me mène alors, par un moyen de transport motorisé (nous qui refusons héroïquement tous ceux proposés, et même celui dont je parle à l’instant où nous nous retrouvons "manu militari", au sens physique, expérimental et contraignant de l'expression), on me mène dans un local. Je suis à l’arrière, je n’ai pas le temps de lire la pancarte, écrite de toute façon avec une sorte de calligraphie pour initiés, et on me fait asseoir avec Yvon.
Oui, c’est toujours à deux, jamais l’un sans l’autre, et heureusement : si l’un restait sur le carreau, je voudrais voir sa tête...
Et on commence par m’offrir un thé.



Dans les romans et les films, ça c’est assez horrible, car c’est un prélude à un revirement plutôt négatif. C'est fait en principe pour "casser les nerfs". 
Ensuite, nous sortons presque spontanément nos papiers bien en règle, qui vont subir tout un tas de traitement peu plaisants : décortication des noms, photocopies mal lisibles, fax vers des destinations, retour assorti de commentaires. Oui, nos noms sont un gros problème dans les campagnes, car nous continuons bêtement à les prononcer à la française, et ils sont écrits à la persane, c’est à dire que moi, je dois lire hourtou ou à la rigueur hourto, et Yvon : kerhouel, et ça ne nous vient pas à l’esprit car nous sommes un peu perturbés.
Ensuite on attend, mais quoi et combien de temps ?
Et alors, cela devient intéressant, surtout pour moi qui ai faim, car apparaissent des jus de fruit, et des gâteaux, pour nous et pour tout le bureau. Oui, c’est bon, les émotions creusent. Et la conversation dévie vers mes facultés d’élocution, nos familles, nos métiers, notre itinéraire.
Pendant ce temps Yvon rédige son journal de voyage : il s’est découvert une capacité d’écriture ignorée qui le prend à tout instant, surtout si je dois faire les frais de la conversation, pendant laquelle il se désintéresse du sujet. J’avoue qu’il commence par dire bé fârsi harf némizanam, ça il sait.
Je n’ose compromettre l’ambiance, et je me démène comme je peux. J’apprends alors avec grand déplaisir personnel que les capitales et Paris s’en chargent. Non, non, je n’habite pas à Paris, très loin, très loin, au bord de la mer (m..., à l'ouest !) et là nous sommes comme sur une île isolée, ignorants et désapprobateurs... Oui ?  euh.. ben.. oui (tout en persan !).
Et je parle de la mer  (daryâ) qui danse (raqsidan) dans les golfes clairs (je dis âbi = bleu, faute de mieux).
Tout d’un coup, sans autre fait perceptible, je suis informé que nous serons libres à midi. Je dois dire que dès le début, l’un de nos interlocuteurs qui n’est pas le chef, nous fait des signes d’encouragement. Mais des signes comme ça, c’est difficile à interpréter, j’ai tendance à imaginer qu’il s’agit d’un danger auquel j’échappe. Échappe-t-on toujours et définitivement à un danger ?
Alors, désaltérés et rassasiés, encouragés et soulagés, on nous dit pfuitt avec un geste de la main, ça veut dire poudre d’escampette, là je comprends du premier coup.
Dans l’urgence je suis plus intelligent.

xodâ hâfez, rouz bé xeir, xochâl hastim,
(même Yvon s’exprime alors, il a un don pour les langues, je suis jaloux),

Pierre

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