Le miroir est un terrain de polo

VENDREDI 17 juillet, Esfahân, 43ème jour :

Nous pénétrons dans le palais Ali Qâpou, et de sa terrasse, qui domine "Le miroir du monde", nous assistons, comme autrefois Shah Abbâs, au match de polo Esfahân-Chirâz. C’est déjà la seconde chukka, l’une des périodes du jeu. Nous sommes surpris par le petit nombre des joueurs : quatre dans chaque équipe, c’est la règle. Les maillets sont en bambou, et la balle en bois.



Les belles touristes émiraties ou bahreïnies, intégralement voilées derrière le tulle qui cache leurs yeux, se font photographier sur fond de pelouse verdoyante, espérant côtoyer un fier cavalier en arrière-plan sur leur photo. De ces femmes je ne distingue qu’un gabarit noir répétitif qui fait écran, et du cavalier tout au plus un reflet en sueur. Mais la photo est très originale.
Bon, d’accord, c’est un tableau. Mais les touristes invisibles et lugubres sont bien réelles. Je les ai déjà croisées en troupeaux anonymes, menées par leurs bergers vêtus de coton candide, dans les rues de Chirâz.
Ici, la grande majorité des étrangers vient bien du Golfe.



Dans le palais, nous admirons le salon de musique. Les porcelaines précieuses ont quitté leurs niches sur mesure. Les fresques sont en cours de restauration.
De la terrasse, qui offre un panorama de rêve, nous contemplons la mosquée royale, et la mosquée Lotfollâh. La coupole de cette dernière, dans le soleil levant qui la frôle, semble cabossée comme une vieille casserole. In petto, je me dis même qu’elle est un peu gondolée. Mais ainsi elle est belle, si belle, avec son teint doré, parfois chaud, parfois pâle, et je suis sous le charme.



Alors nous traversons la place pour la découvrir. L’intérieur est somptueux, riche de son décor bleu et ocre, et nous y resterions des heures entières.



Nous déjeunons d’une ma’djoun très appréciée, dont vous avez la recette intégrale sur le journal du 11 juillet. Puis nous nous rafraîchissons sous les hauts jets d’eau du jardin de Hacht Behecht, avant de prendre un thé glacé dans les salons très luxueux du très renommé hôtel Abbassi. Cet ancien caravansérail faisait partie intégrante de la madressé de la Mère du Chah dont les minarets et la coupole dominent toujours ses beaux jardins. Ses salons sont un musée des arts décoratifs, et Marie-Hélène et Sylvie se font photographier dans les miroirs ornés de délicats portraits féminins.
Après notre sieste habituelle, nous partons à la découverte des quartiers calmes en faisant le tour extérieur de la Mosquée Royale.


Nous sommes derrière la scène,
presque dans les coulisses,
et avons l'impression d'être adoptés dans l'intimité de la ville.

Puis sur la Place, nous sommes abordés par trois étudiants en mal de conversation : deux filles et un garçon apparenté, bien sympathiques. Il est étudiant pour devenir contrôleur aérien.
Une longue marche, d’avenues en avenues, nous mène aux célèbres ponts d’Esfahân : pont Khâdjou que nous empruntons, pont Djoubi, et Si-o-sé pol, le pont aux trente trois arches. Les berges de la rivière asséchée sont noires de monde, pique-niqueurs et promeneurs. Un chanteur donne de la voix. Je veux y reconnaître les vers de Hâfez, évidemment. Le soir tombe, les arches des ponts s’éclairent, nous traversons la rivière à nouveau.



Nous dînons au Shahrazâd, sur une table et des chaises. En ville, le plus souvent, il faut bien dire que le mobilier des restaurants, grands ou modestes, est maintenant occidentalisé. Nous apprenons que la prière du vendredi prêchée par Rafsandjani à Téhéran a regroupé un million de personnes, record absolu pulvérisant les chiffres de l’époque khomeyniste. Rafsandjani serait un ennemi juré d’Ahmadinejad.
Pour nous, ici, c'est encore une journée calme.

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