L'indécence sur la toile

SEXY, SI SEXY : mail n°10            

Alors, comme ça, ce matin, je prends mes cliques et mes claques, c’est à dire mes lunettes noires, mon chapeau, et mon appareil photo, et je pars en ville, en quête d’un tailleur.
Non pour le large pantalon bakhtiari qui me donnerait de l’ampleur et du prestige, mais pour faire réparer le pantalon long bien déchiré qui cache mes provocantes chevilles.
Les tailleurs travaillent dans de petite échoppes sous le regard des passants avec la machine Singer de ma grand-mère. Ils sont faciles à trouver, car les corporations sont regroupées.
J’entre plein d’espoir mon pantalon bien visible, car mon accent audible me joue des tours, et parfois je ne comprends absolument pas ce qu’on lui reproche.
Le tailleur dodeline de la tête, et je crois que c’est non...
Il faut savoir que dodeliner s’interprète de façon très nuancée.
C’est comme les prix, les kilomètres et les durées, tout est dans l’intention. A l’Inalco, on dit « selon le contexte ». C’est pas facile.
Ex : pour les lunettes d’Yvon le prix était affiché, il suffisait de confirmer que c’était en tomans et non en rials. Donc, on était sûr pour une fois. Eh, bien, non, le prix était en largeur de tête (écart entre les branches ouvertes), et pire, les branches étaient fermées.
Donc, une fois de plus, Yvon a donné une liasse au hasard.
Comme c’est des millions, ou au moins des centaines de mille, on est un peu radin spontanément.
Revenons au tailleur.
Dodeliner de bas en haut, c'est plutôt « non » même si l’on marmonne plus ou moins oui.
Dodeliner de droite à gauche, c’est presque toujours oui.
Murmurer sans dodeliner franchement, c'est « selon le contexte » ...
Donc je ne désespère pas. Je comprends non, mais j’opte pour oui !
En général ça marche assez bien (17 fois sur 23). Mais là, non !
Un spectateur me fait comprendre que le tailleur ne veut pas me déshabiller.
Ben, évidemment, ça va de soi !
Moi, je fais comprendre par gestes et par déboutonnage prudent que j’ai un autre pantalon dessous par cette chaleur, c’est tout naturel.
Avant de quitter le premier, j’insiste quand même pour dire que le second est court.
Oui ça ira, si je reste assis bien sagement, au fond de l’échoppe.
Y’avait certainement des spectateurs qui auraient voulu savoir comment étaient les caleçons des français, pourtant. Je le devine car moi j’aime bien savoir pour les autres peuplades qui n’ont pas habité la Gaule, et n’ont pas eu  l’expérience des braies.



Ah ! Le tailleur n'est pas content : je lui ai coupé la tête ! Je dois recommencer !
Et je suis pris en flagrant délit de mensonge : c'est une machine "Juki" ! Satanée photo ! Je promets que j'ai vu de vieilles machines noir et or, avec pédalier. Et sans cette photo, j'aurais mis ma main au feu... 



Bref, j’ai une superbe couture avec un petit motif losangique en prime, et je vais peut être déchirer l’autre côté.
Est ce que vous voulez savoir autre chose ?
Alors, peut être vais-je continuer, si Yvon, à côté, n’a pas fini.
Lui il consulte tous ses mails, même la pub, je crois.

Pierre

PS : Vous constatez, au vu de mes poches, que l'eau des ruisseaux lave plus blanc que blanc. Vous ne médirez plus sur l'état de notre maigre garde-robe !

3 commentaires:

  1. J'avais beaucoup aimé ce mail. Certainement car il parle vraiment de la façon de vivre de gens normaux. L'approche d'un pays est souvent touristique, parfois historique, régulièrement politique ou économique. Mais raconter les gestes normaux qui rythment la vie, les codes qui l'encadrent, c'est un privilège de voyageur au long court...
    Cette fois-ci, il y a les photos à l'appui. J'avais donné un visage plus fin et fermé à ton tailleur. Comme il a refusé de repriser ton pantalon dans un premier temps, je l'avais durci. C'est drôle l'imagination !

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  2. Nous la connaissions l'anecdote du tailleur mais celui là parait bien moi sympathique que celui que tu avais recruté pour ton sketch.

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  3. Anomyne a dit=Steff et Tatoize,une mauvaise manip certainement.

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