Un ébéniste sportif

LUNDI 13 juillet, Esfahân, 39ème jour :

A pied, nous allons reconnaître le hammam Ali Gholi Agha, et visiter le hammam Shâh en cours de restauration. Malgré nos questions, nous ne dénichons pas un seul hammam en activité : ils sont soit fermés, soit transformés en musée, dès à présent ou bientôt.



Nous allons prendre un thé au premier étage, sur la place Naqch-é djahân, près de la porte du bazar, c’est à dire juste dans l’axe de la place avec vue sur le palais et les deux coupoles. Cette place exerce sa fascination à toute heure, et nous sommes sous son emprise. Pourtant sur cette terrasse, nous sommes dans un four, et le thé brûlant nous anéantit.



Quelques courses dans le bazar, et nous tombons par hasard sur l’Office du Tourisme qui siège au 1er étage sur la Place. Comment se faisait-il que le policier du coin, interrogé hier par Yvon, l'ignorât ?  L’hôtesse est très attentive, nous offre le thé comme il se doit, et nous fait remplir des questionnaires sur nos impressions face aux coutumes de la République Islamique : Yvon regrette l’absence d’alcool et n’apprécie pas du tout le tchâdor… tant pis, c’est écrit, il ne sera pas ici le pèlerin idéal. Il faut  en effet que vous sachiez que le visa que nous avons obtenu est bien valable pour les pèlerinages. Pour ma part, en bon pèlerin, je n’y vois rien à redire, l’alcool je m’en contrefous, et le tchâdor, si tchâdor il y a, il faudrait le généraliser aux deux sexes. Mais  j’écris en français ET en persan que l’employé aux visas de l’Ambassade d’Iran à Paris est repoussant, retors et incompétent. Cela défoule, et j’en rajoute une couche de vive voix. Ensuite, au Bastani où nous déjeunons,  nous rencontrons trois jeunes français : ils sont rennais, et eux ont obtenu d’emblée trois semaines de visas. Où est l’équité ? Pire, nous apprenons par un mail de Sylvie que les visas touristiques des français,  et d'eux seuls, obtenus habituellement à l’arrivée à Téhéran, sont menacés ! Il y a encore de l'eau dans le gaz entre Mahmoud et Nicolas. Marie-Hélène et Sylvie partent quand même courageusement à Paris prendre leur vol sans visa.



Nous bourlinguons au petit bonheur la chance dans les ruelles tortueuses et les impasses en cul-de-sac au nord du bazar, et échouons ainsi chez un ébéniste en plein travail.



Il crée des chaises sculptées à la mode orientale, mais il est aussi très fier de la décoration de son atelier où les photos encombrent les murs. Nous sommes tout de suite captivés par ces photos, presque toutes anciennes, où il apparait parmi d'autres sportifs, à l'époque de sa gloire.


Vous le voyez sur la photo du bas, à gauche,
vêtu du pantalon brodé indispensable.

Il a maintenant environ 65 ans, mais pratique toujours assidûment le sport ancestral de la Perse pré-islamique, à l'entraînement duquel il nous convie. Nous sautons sur l'occasion, car nous pressentons qu'il ne s'agit pas d'une séance artificielle pour touristes pressés. Rendez-vous est pris pour le lendemain soir, devant son atelier. Alors, au lieu de divaguer comme d'habitude, nous tentons de mémoriser précisément l'itinéraire tortueux qui nous ramène sur les rues fréquentées. Il y a un enjeu !     
Aujourd'hui, nous avons rendez-vous au hammam Ali Gholi Agha à 17h avec Farhâd, sa sœur Mojdeh et Samira. Nous avons droit à une visite guidée offerte encore par Farhâd : des mannequins style Grévin évoquent les soins dispensés dans cet élégant hammam de marbre et de faïences.



Ensuite avec le mari de Mojdeh, nous découvrons la tchâïkhâné qui se cache derrière le bazar, dans un décor de brocante désuète où jeunes femmes et jeunes hommes fument le qaliân, avec une apparence de liberté. Là encore, nous sommes invités malgré nos protestations.


Oui, sa fascination à toute heure !

Au moment de nous quitter, de nuit, sur la Place Royale, nous acceptons un pique-nique dans le jardin de Mojdeh hors de la ville. Accepter signifie ici céder à un chantage sentimental. Yvon est plus enthousiaste que moi. 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire