MARDI 14 juillet, Esfahân, 40ème jour :
Nous commençons cette journée sous le titre « Angoisse pour les visas ». Nous voulons croire que le numéro attribué par le Ministère iranien des Affaires Etrangères sera un viatique.
Nous dénichons, c’est un exploit, le siège de l’Organisme du Tourisme esfahâni indiqué pourtant hier lors de notre passage à l'Office. Il est reclus dans une ruelle à l'écart, sans aucun numéro. Nous avons été gentiment conviés à visiter la vieille demeure élégante qui l'abrite.
L’hôtesse, déjà rencontrée dans son bureau du bazar, nous guide sans mesurer son temps, prenant apparemment plaisir à converser. Les vitraux colorés ont la propriété de chasser les moustiques, affirme-t-elle. Elle est très convaincante, et la sympathie joue, nous sommes réceptifs. Alors je veux bien croire que les moustiques iraniens soient sensibles à certaines longueurs d’onde : dommage que nous l’ayons ignoré et nous nous soyons parfois tartinés de répulsif. Elle nous offre même un livre en français sur la ville et des posters des ponts. Les posters le prouvent, il y aura de l’eau sous ces ponts dès la semaine prochaine ! Cette fois, il nous faudrait beaucoup de naïveté pour la croire. Nous avons compris depuis longtemps que c’est ici un sujet tabou. Pourtant sa bonne volonté nous ravit, d'autant qu'elle se désole avec nous des incertitudes qui planent sur les visas, et va en dire un mot à son chef, mais il est indifférent et apathique, celui-là.
Mojdeh vient nous chercher à l’hôtel en voiture, pour le barbecue prévu dans son jardin. En fait, le jardin est un grand verger enclos de hauts murs, hors de la ville, où mûrissent à l’envie prunes, cerises, abricots, figues… Le portail est fermé à double tour comme il se doit, et la maison défendue par des grilles. Nous apprenons à garnir les brochettes de leurs morceaux de poulet, et là ça ne va pas de soi, il y faut une technique qu'Yvon, plus entreprenant que moi qui reste bras ballants, n'utilise pas spontanément. Sachez donc, pour votre gouverne et vos prochains pique-niques dans les vergers esfahânis, que tous les morceaux doivent respecter un strict alignement, tassés les uns sur les autres, de façon à obtenir un profil idéal en ruban sans aucune excroissance. Ainsi la cuisson sera homogène et parfaite, parfaite et homogène.
La brochette de gauche est l'oeuvre de Samira,
celle de droite l'oeuvre d'Yvon après rectification
celle de droite l'oeuvre d'Yvon après rectification
A 8h, nous partons pour notre rendez-vous avec l’ébéniste rencontré hier, qui nous a invités à son entraînement en zourkhâné ( زورخانه ) : zour signifie force et khâné maison. Il s'agit ici du gymnase ancestral. Les origines de ce sport remonteraient au temps des Sassanides, et il illustre l'éthique zoroastrienne. Remis à la mode par le dernier Châh, puis mal considéré par la révolution islamique, il vivrait un renouveau maintenant. Ce club est peut-être modeste mais actif et bien vivant, et nous sommes les seuls spectateurs d’une séance d’entraînement où neuf participants de tous âges, entre 15 et 65 ans, nous accueillent avec naturel. La salle est décorée de photos anciennes et récentes des athlètes du club et de tout l’attirail utile.
Les lourdes chaînes à grelots (35 kg), et au fond les massues
Le meneur de jeu domine la fosse octogonale du haut d’un balcon
où il rythme énergiquement les exercices au tambour
et donne des avis péremptoires.
Voyez les plus lourdes massues sous le balcon (45 kg).
et donne des avis péremptoires.
Voyez les plus lourdes massues sous le balcon (45 kg).
Regardez bien entre ses bras les grelots métalliques
qui pulsent violemment de droite à gauche.
Nous assistons aux assouplissements, puis au maniement de barres de bois, de grosses massues en rotations autour du cou et des épaules, de lourdes chaînes à grelots balancées par dessus la tête. Le poids de votre massue varie selon votre morphologie. A un moment, chacun à son tour tourbillonne sur lui-même le plus vite et le plus longtemps possible sans perdre l’équilibre. Il s'agit d'une chorégraphie très sportive mais il n'y a aucun contact entre les athlètes. Nous déclinons, par modestie, une invitation à descendre dans la fosse pour notre première leçon. Nous n'avons pas les pantalons courts et brodés qui conviennent. Et des massues de 40 kg, quand je peine sous un sac de 15, c'est pas gagné. Mais nous offrons civilement notre obole. « Un peu plus » suggère le chauffeur de taxi à Yvon...
Au retour, à 11h30, un sms de Marie-Hélène nous dit : « visas ok, attendons pour empreintes ». Là, cette fois, c’est gagné !
PS : aujourd'hui toutes les photos ont été prises par Yvon.
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