Retrouvailles conjugales

MERCREDI 15 juillet, Esfahân, 41ème jour :

Nous allons à pied, sac au dos, de l’hôtel Safir à l’hôtel Sonati. Et il faut se résoudre à faire chambre à part maintenant. A 13h30, un taxi vient nous chercher pour nos retrouvailles conjugales à l’aéroport. Nous n’oublions pas la boîte de nougats qui doit accueillir Marie-Hélène et Sylvie bien mieux que des fleurs : les nougats sont la spécialité d’Esfahân, et les nombreux magasins spécialisés en regorgent. Nous avons notre fournisseur attitré, qui prépare ses nougats sur place, et les offre en dégustation avec un air revêche. Heureusement il s’est amadoué après nous avoir snobés au point que nous avons failli fuir. J’imagine qu’il fallait passer ce cap la première fois pour être adoubé parmi sa clientèle. Maintenant nous sommes des habitués ! Il faut dire qu'Yvon n'a pas plus d'imagination que moi pour les cadeaux, et que nous, ça nous simplifie la vie, c'est nougats en toute occasion. Ce n'est peut-être pas très malin d'offrir des nougats d'Esfahân à des esfahânis, mais à mon avis ils comprennent que nous ne pouvions venir avec des tonnes de galettes de Pont-Aven... Ces nougats sont un délice, et nous portons notre boîte en offrande rituelle jusqu’à l’aéroport. L’avion a une heure de retard, car il y a eu un crash sans survivant sur un vol iranien pour Erevan.



Marie-Hélène et Sylvie apparaissent enfin, et je n’ai aucun mal à les reconnaître malgré la tenue islamique : elles la portent d’emblée avec naturel. Il faut dire que c’est tunique, pantalon, et rousari (le voile), et non tchâdor et meqna’é (la guimpe)… C’est une tenue islamique allégée, mais je crois qu’elles sont surtout bien soulagées d’arriver enfin à bon port. Nous comprenons qu'elles ont vécu des moments difficiles depuis notre départ de France, dans une incertitude et un silence pénibles face à la réalité de notre situation, et jusqu'au dernier moment sans être sûres de pouvoir nous rejoindre. Mais maintenant l'heure est à la joie, on n'y pense plus, et la découverte de l’hôtel les émerveille, comme nous au premier jour.



Je mène Sylvie devant le porche arrière de la Mosquée Hakim, qui se distingue par un décor de briques nues. Je sais qu'elle va tomber en arrêt et l'étudier en détail. Gagné ! 



Puis, après la traversée de la cour de cette mosquée, nous sortons par le portail principal, nous donnons l'impression d'être nés à côté, oui suivez, c'est par là, regardez bien au passage l'observatoire religieux, et ensuite, hop ! un petit tour par le bazar les plonge vite dans l’ambiance, avant d’aller dîner au Bastani qui n'a toujours pas de clients ou si peu. Là, c'est peut-être trop calme, mais c'est qu'elles sont fatiguées, nous voulons les ménager. 



Pour corser le tout, nous avions quand même glissé une halte dans la tchâikhâné-brocante où l’on fume le qaliân ! Vous voyez que non seulement nous avons bonne mine, que nous sommes bien réjouis, mais que nous y sommes comme chez nous. Cela inspire confiance, non ?  Vivons l'instant présent !



A la sortie, elles découvrent subjuguées la féerie nocturne de la place Naqch-é djahân, nom qui signifie mot à mot : « la carte du monde », que les guides français traduisent joliment par « le miroir du monde » ; elle s’appelait aussi Place Royale avant d’être rebaptisée Place de l’Emâm (Khomeiny bien sûr), au grand dépit de beaucoup d’esfahânis qui renâclent à employer ce nouveau nom.



Nous allons prendre le temps de la découvrir ensemble tous les quatre. Eh, oui, Yvon et moi ne sommes pas encore entrés dans les monuments pour les découvrir avec Marie-Hélène et Sylvie.



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