JEUDI 2 juillet, Aligoudarz, 28ème jour en Iran :
Nuit calme et profonde. Petit-déjeuner standard : seules deux tables sont occupées dont la nôtre. Nous partons chez le tailleur qui recoud impeccablement mon pantalon, pour 2 khomeinys (1,7 euro), après une hésitation que j'évoque dans le mail qui suit. Nous partons à pied au terminal des cars prévoir notre trajet vers Kermânchâh. C’est loin et j’ai un peu chaud (oui, vous saurez que je porte mes deux pantalons).
A la sortie de la ville, nous nous renseignons chez un marchand de pneus aux yeux verts, qui brandit ses cartes de l’empire achéménide, et revendique ses origines indo-européennes dans un Iran étranger aux Arabes. L’Islam, c’est...
Au terminal, personne ne comprend pourquoi nous refusons un taxi, et il faut dire que nous cherchons la difficulté : il faudra prendre un premier minibus jusqu’à Aznâ, puis un second pour Doroud, un troisième pour Boroudjerd, et un dernier car nous conduira enfin à Kermânchâh. Ok, ça nous va, départ demain matin. Au retour du terminal, oui, cette fois nous nous payons un taxi !
Yvon trouve et achète un pantalon qu'il part essayer dans la boutique d'à côté : question de préséance ou de pudeur. Le pantalon a un joli look, mais bientôt tous les boutons vont sauter. Il aurait dû choisir "made in Irân" !
Nous retournons au même restaurant qu’hier, où le serveur apitoyé et pédagogue prépare sous nos yeux notre âbgoucht. Aïe ! Je n’ai pas le temps de trier la viande...
C'est le moment de vous faire un petit cours sur les "sabzi" qui sont emblématiques de la cuisine iranienne. Les sabzi, c'est la verdure, et plus précisément les herbes aromatiques. Il y en a des quantités, toutes primordiales, et l'une ne remplacera jamais l'autre. Pour nous là-bas, sur place, les sabzi sont très énigmatiques, elles sont le plus souvent émiettées, et leur nom est persan, alors comment savoir dans votre assiette ? Sauriez-vous définir le persil autrement que par sa couleur ? C'est une sabzi ! et tout est dit. Alors pour vos futures expériences gastronomiques en Iran, retenez bien : chevid, c'est l'aneth, marzé la sariette, na'nâ la menthe verte, karafs c'est le céleri, chanbalilé le fenugrec, et taré kouhi le poireau des montagnes. Y'en a d'autres, tout plein d'autres, mais c'est déjà bien si vous retenez celles-là. Sur cette seule photo figurent douze sortes de sabzi, agrandissez et tentez d'identifier ! Dommage, je n'ai pas de clavier persan sur ce blog, contentez-vous de ma transcription et dégustez, ça vaut la peine vraiment.
Après une sieste aux heures chaudes, nous partons déambuler dans les rues, prenons une pâtisserie plutôt sèche, faisons halte au kâfinet, buvons un jus de carotte glacé, et rencontrons un gars anglophone qui nous aborde et nous mène chez ses parents manger des cerises. Il est marié et a un bébé, mais n’a pas de travail, et sa femme est absente. Yvon donne une consultation à son oncle qui souffre d’une gingivite et dont toutes les dents tremblent. Il va les perdre, c’est sûr, mais Yvon lui prescrit des bains de bouche et ça ira. Tu parles ! Nous les quittons, mais le gars nous suit, entraîne Yvon dans une pharmacie pour le collutoire, et nous colle aux baskets avec la ferme intention de nous guider demain jusqu’aux chutes d’eau qui font la gloire d’Aligoudarz. Cascade, c’est « âbchâr » en persan, et comme il n’y a rien d’autre à voir ici, tout le monde en parle : la cascade d'Aligoudarz est incontournable ! A la Xième incitation, d’accord je dis, j’irai si ça vaut le Niagara, le Zambèze et Iguaçu réunis. Je ne prends pas grand risque, et une toute petite lueur de doute passe dans le regard du mec. C'est un mirage, il nous suit jusque dans le hall de l’hôtel, très essoufflé après avoir supplié en vain d’arrêter un taxi. Et alors, rendez-vous demain pour l’âbchâr ?
C’est le paradoxe iranien, les actifs, bergers, paysans, nous consacrent, à notre grand plaisir, le temps nécessaire puis retournent vite à leur travail, alors que les jeunes citadins, oisifs et sympathiques, s’imposent sans retenue et sans limites. Et souvent pour nous guider d’office, et toujours pour nous fourrer dans un taxi sur 200 mètres. Mais nous résistons !
Nous dînons à l’hôtel à 9h30 : la salle à manger est close, il n’y a pas de clients, mais on a appelé le cuisinier rien que pour nous, qui arrive en voiture, et m’emmène dans sa cuisine choisir la viande des kabâbs et parler de quoi ? … de l’Iran, et si je l’aime. Il vient ensuite s’asseoir et converser à notre table pendant que nous mangeons. La viande est dure, et le riz est du riz. Mais le cuisinier est là qui parle ; malgré ça, je ne mange pas toute la viande…
ça y est, je prends le train en route...mais comme c'est un récit de voyage, c'est assez cohérent.
RépondreSupprimerBon point, je déguste cette chronique là, juste avant de déjeuner. Voilà qui me met en appétit !
C'est formidable cette virée en Iran avec anecdotes et photos à l'appui. Une plongée dans le quotidien racontée avec talent, si bien que l'on en arrive à humer les odeurs et sentir la morsure du froid ou le souffle de la chaleur rien qu'en restant derrière son ordinateur. Franchement bravo !